Cette nuit, le monde a appris la disparition de Dietrich Mateschitz, cofondateur de la marque Red Bull. Retour sur la passion d'un milliardaire pour les sports mécaniques notamment.

Né le 20 mai 1944 en Styrie, Dietrich Mateschitz se lance dans des études de marketing. Son premier employeur est Unilever. Il quitte l'entreprise britannique pour Blendax, spécialisé dans les dentifrices. C'est lors d'un voyage d'affaires, en 1982, qu'il découvre une boisson particulière, Krating Daeng, développée par Chaleo Yoovidhya. Cette boisson lui permet de résister au décalage horaire.

Voyant là une opportunité d'entreprise à échelle mondiale, Dietrich Mateschitz fonde, avec le soutien du créateur de la boisson thaïlandaise, Red Bull GmbH. Chaleo Yoovidhya détient 51% de la société, "Didi" Mateschitz les 49% restants. La boisson est officiellement lancé le 1er avril 1987 en Autriche, fort du slogan "Red Bull donne des ailes". Rapidement, le sponsoring sportif devient la meilleure des publicités pour la jeune marque de boissons énergisantes. Elle commence par des événements dits marginaux comme le canoë, le snowboard, le triathlon, la luge et le saut à ski.

Les débuts de Red Bull dans les sports mécaniques

Gerhard Berger est le premier pilote sponsorisé par Red Bull. L'accord est signé à la fin des années 80. Vient par la suite Karl Wendlinger, qui est le premier athlète pour lequel la marque de boisson énergisante investi de l'argent. En 1993, le pilote autrichien est embauché dans la jeune équipe Sauber. L'entreprise de Dietrich Mateschitz mise 1 million de schillings autrichien (l'équivalent aujourd'hui de 73 000 euros) pour son volant au sein de l'équipe de Peter Sauber.

L'association avec l'entrepreneur suisse se prolonge dès 1995, où Red Bull devient le sponsor-titre de l'équipe. En proie à des problèmes financiers suite au départ de Mercedes, Sauber reçoit environ 10 millions d'euros pour la saison. Dietrich Mateschitz prend, par la même occasion, 51% de l'équipe suisse.

En 1997, Red Bull s'attaque à une autre catégorie : le MotoGP ! L'entreprise de boissons énergisantes devient le sponsor principal de l'équipe WCM, qui va devenir à partir du Grand Prix d'Italie l'équipe officielle de Yamaha. "En MotoGP, vous obtenez le meilleur rapport qualité-prix", expliquait le cofondateur de l'entreprise autrichienne.

La première victoire de Red Bull dans l'une des deux catégories intervient lors du Grand Prix de Grande-Bretagne 1998, en 500cc, avec Simon Crafar. D'autres suivront en catégorie reine du MotoGP (Régis Laconi à Valencia en 1999, Garry McCoy en Afrique du Sud, au Portugal et à Valencia en 2000).

Victoire de Simon Crafar à Donington en 500cc

L'autre vision du sport de Dietrich Mateschitz

Dans l'esprit de l'entrepreneur autrichien, le sponsoring est une bonne chose mais a une limite qui est le propriétaire des équipes aidées. La relation avec Sauber va se détériorer lorsque Peter Sauber préfère le prometteur Kimi Räikkönen au jeune Enrique Bernoldi, pilote de la filière Red Bull. La marque autrichienne vend ses parts de l'équipe et disparaît des monoplaces suisses en 2004. En MotoGP, les Yamaha de l'équipe WCM perdent le Taureau Rouge fin 2002 pour sponsoriser la marque autrichienne KTM en 125cc.

Red Bull commence alors une campagne de sponsoring de pilotes. Le Red Bull Junior Team voit le jour en 2001. Mais, deux saisons avant, l'entreprise autrichienne s'associe avec Helmut Marko, dont l'équipe RSM Marko court en F3000. Depuis, de nombreux pilotes ont été soutenus par la marque autrichienne et 16 pilotes ont été promus en F1. Même l'actuel actionnaire de Mercedes Toto Wolff a couru un jour sous les couleurs de Red Bull !

Enrique Bernoldi est placé chez Arrows, qui profite du soutien de la marque autrichienne à hauteur de 13 millions d'euros. En proie à des difficultés financières, Dietrich Mateschitz tente de reprendre la participation de Morgan Grenfell (50% du capital) dans l’équipe de Tom Walkinshaw. Il obtient ainsi une option exclusive en cas de vente. En mai 2002, Arrows est aux abois.

Le patron de l’équipe voit en Red Bull un potentiel acheteur. "Didi" Mateschitz accepte de racheter les voitures, la propriété intellectuelle de leur utilisation et le droit d’engagement, le tout pour 22 millions d’euros, avec liquidation des créances extérieures d’un montant de 23 millions d’euros. Il injecte aussi un peu moins de 8 millions d’euros en cash pour maintenir l’équipe opérationnelle. Mais Morgan Grenfell refuse la proposition de l’entrepreneur autrichien.

En 2004, Christian Klien, pilote de la filière Red Bull, rejoint Jaguar, dont la forme laisse à désirer malgré l'investissement de Ford (on parle de 70 millions d'euros par saison). Et c'est là que son idée d'être le propriétaire de son équipe prend tout son sens. Ford met en vente à la fois l'équipe F1 Jaguar et le motoriste Cosworth. Ce dernier est racheté par le duo Gerald Forsythe/Kevin Kalkhoven. Pour l'équipe Jaguar F1, l'homme d'affaires autrichien se positionne. Mais il n'est pas le seul puisque des investisseurs chinois ont l'idée de reprendre l'équipe pour en faire "Ford Team China".

David Coulthard dans la Red Bull RB1 au Canada en 2005

Mais le magnat de la boisson énergisante parvient à un accord. L’accord prévoit une vente pour l’euro symbolique en échange d’un investissement de 310 millions d’euros sur les 3 prochaines années. Cette vente a empêché à Ford de dépenser 22 millions d’euros d’indemnités de licenciement mais aussi les frais de cessation des activités de l’usine estimés à 350 millions d’euros.

"Nous recevons plus de 30 millions de la part de Bernie Ecclestone. Jusqu'à présent, nous avons payé 30 millions pour l'aileron arrière de l'équipe Sauber, mais ce ne sera plus le cas à l'avenir. De plus, nous pouvons générer 50 millions grâce aux co-sponsoring. Donc personne n'a à s'inquiéter car nous pouvons faire tourner Red Bull Racing avec 100 millions, avec 120 ou 150. Cela dépend de nos objectifs", déclarait-il à l'époque.

Mais Dietrich Mateschitz ne s'arrête pas là ! Après avoir acquis également l'équipe de football de Salzburg, il met la main sur une des plus anciennes équipes de F1, à savoir Minardi. L'équipe italienne tente de survivre depuis de nombreuses années. Le 10 septembre 2005, Minardi est reprise par Red Bull et devient, dès 2006, Toro Rosso.

L'investissement d'un passionné

Dietrich Mateschitz se donne les moyens pour faire réussir ses projets. Véritable vitrine pour la marque autrichienne, on estime son investissement en F1, entre le moment où il rachète Jaguar, jusqu'en 2018, à plus de deux milliards d'euros, une grande partie consacrée à Red Bull Racing (1,23 milliards) et l'autre à Toro Rosso (770 millions). Avant que celle-ci ne devienne AlphaTauri, on estime l'investissement proche du milliard d'euros.

Et la réussite est là pour Red Bull. La première victoire d'une équipe Red Bull revient à Sebastian Vettel, lors du Grand Prix d'Italie 2008, au volant de la Toro Rosso. Ce sera la seule victoire de la petite équipe italienne sous cette dénomination. Le pilote allemand apporte, une année plus tard, la première victoire de Red Bull Racing en F1, en Chine. C'est également lui qui va apporter le premier titre des pilotes à l'équipe basée à Milton Keynes. Max Verstappen suivra les traces du pilote allemand en 2021 et 2022, en remportant deux titres des pilotes.

Depuis, Red Bull a été vu dans de nombreuses disciplines. Outre la F1 et le MotoGP, ainsi que les catégories inférieures, on a pu voir la marque autrichienne en ChampCar, en Touring Car, en NASCAR, en Super GT, en DTM, en GT3, en IMSA, en WRC, en RallyCross, au Dakar, en Motocross, en MTX, en Drift... Les sports mécaniques comme les sports extrêmes font parties de l'ADN de Red Bull.

L'Empire Red Bull

Aujourd'hui, Red Bull est un véritable empire, dans des domaines bien loin de la boisson énergisante. Outre la société principale, qui a vendu 9,804 milliards de canettes en 2021, soit un chiffre d'affaires de 7,816 milliards d'euros, Red Bull est présent dans les médias via Red Bull Media House (avec ServusTV à partir d'octobre 2008, avec des magazines et des sites Web), dans le sport avec de nombreux sponsoring, dans la mode avec AlphaTauri.

Red Bull, c'est aussi un circuit, le Red Bull Ring, anciennement appelé A1 Ring, des châteaux, des hôtels, des restaurants et d'autres établissements de restauration, les brasseries styriennes Thalheimer Bier et le Trakehner Stud Murtal.

Monument taureau au Red Bull Ring

Dietrich Mateschitz, un homme aimé

Stefano Domenicali, PDG de la F1, parle de Dietrich Mateschitz comme un "entrepreneur visionnaire incroyable et un homme qui a contribué à transformer notre sport".

Carmelo Ezpeleta, l'homme à la tête du MotoGP, décrit le décès de l'homme d'affaires autrichien comme "une grande perte pour nous et pour moi, mais pour le monde entier".

"Red Bull était bien plus qu'un partenaire pour Dorna. "Didi" Mateschitz a changé le sport automobile et le monde entier aussi. Le système, la façon dont il gérait les choses, était unique. Le sport automobile n'a représenté qu'une fraction de son succès. Mais la façon dont il a battu des groupes automobiles comme Ferrari et Mercedes en tant que fabricant de boissons mérite notre plus grand respect", ajoute-t-il.

Avant le Grand Prix de Malaisie de MotoGP, une minute d'applaudissements a été observée. Les pilotes F1 feront de même avant le Grand Prix des Etats-Unis. "Parce que nous sommes sûrs que ce serait dans l'intérêt de Didi", expliquait Carmelo Ezpeleta.